Guerra kaki

Résumé

« Je n'ai guère d'autorité ni de compétence pour présenter le recueil du félibre majoral Miremont. Mon seul titre vient de nombreuses heures passées ensemble dans les baraques mal-odorantes de l'Oflag XD à travailler pour la cause félibréenne dans le cadre de la vivante Escola dels Embarbelats.

Dans notre misère commune, notre amour du soleil et de la liberté nous avait rapprochés, et nous avons passé des heures très riches à évoquer dans cette triste plaine du Nord, le gai visage et la vie ardente de nos provinces occitanes.

L'École, animée par la persévérance inlassable et le labeur incessant de son trop modeste secrétaire, était devenue l'aile marchante d'un des groupements régionaux les plus nombreux et actifs du camp. Aussi la Sainte-Estelle 1942 fut une journée merveilleusement réussie qui a marqué notre vie de prisonniers d'un souvenir ineffaçable. Par elle sont à jamais liés ceux qui, dans les barbelés, loin de la Patrie, ont chanté ensemble de tout leur cœur “La Coupo Santo”.

“Mestre d'Obro” depuis 1934, “Mestre en Gai-Sabé” en 1939, Pierre Miremont était l'âme de notre groupe et savait communiquer sa flamme que son travail constant entretenait ardente et pure. La plupart des œuvres de ce recueil ont été composées ou revues au cours de cette période féconde d'Hambourg-Fisch-beck. Bien des manuscrits ont échappé aux censeurs qui, heureusement pour nous, ignoraient les subtilités de la langue d'Oc et les finesses de l'Esprit français.

On sent vibrer l'âme ardente du patriote au cœur si profondément humain, dans ces poèmes qui, par leur date évoquent pour nous une période tragique et généreuse, et par leur inspiration entretiennent des sentiments toujours nécessaires chez un peuple qui se veut “fier et libre”.

La foi sans les œuvres est morte, disait l'apôtre Jacques, traduisant la forte pensée de l'apôtre Paul que l'on pourrait exprimer : “La foi qui ne se manifeste pas par des œuvres n'est pas la foi”. Ce principe essentiel du Christianisme a une portée très générale. L'œuvre de Miremont manifeste sa foi félibréenne et nous la communique comme un feu allume de proche en proche de nouveaux foyers. La foi en l'avenir de la patrie, la petite et la grande, doit, si elle est sincère, se montrer par une action incessante, courageuse et désintéressée. L'œuvre de la foi, c'est l’amour. L'amour de la patrie, c'est aussi l'amour des hommes de chair qui la composent. Les égoïstes, les avares et les lâches sont des traîtres.

Ceux qui ont vécu les grandes journées de 39-40, ceux qui ont souffert les longues heures de la captivité et qui ont mieux compris, dans la peine et l'exil, l’amour de la France, sauront montrer leur foi par leur action persévérante, généreuse, courageuse, pour le relèvement du pays aimé, la paix entre les nations et la fraternité vraie entre les hommes.

N'est-ce pas le but que nous nous étions proposés, cher ami Miremont, avec ceux de l'“Escola dels Embarbelats” et que nous poursuivons chacun selon notre vocation et nos dons particuliers en pleine communion fraternelle ? »

Louis Mordant,
félibre.
Oflag X D. 1941-42